1- LA RENCONTRE ENTRE LES ESPAGNOLS ET LES AMÉRINDIENS
Document 1: Herman Cortès et l'empire aztèque
Document 2
Hernan Cortés, La Conquête du Mexique, Lettre première (1519), Paris, La Découverte/Poche (2010) p. 29
Ils n'entreprennent rien sans faire de sacrifice. Ils ont une autre coutume horrible, abominable, bien digne de châtiment et que nous n'avons observé nulle part : c'est que chaque fois qu'ils ont quelque chose à demander à leurs idoles, afin qu'elles soient propices à leurs prières, ils prennent de jeunes garçons et de jeunes filles' des hommes et des femmes aussi, dont ils ouvrent la poitrine, dont ils arrachent le cœur et les entrailles qu'ils brûlent devant leurs faux dieux, leur en offrant la fumée en sacrifice. Quelques-uns de nous ont été témoins de ces sacrifices et ceux qui les ont vus disent que c'est la chose la plus terrible et la plus épouvantable qui se puisse imaginer.
Ils n'entreprennent rien sans faire de sacrifice. Ils ont une autre coutume horrible, abominable, bien digne de châtiment et que nous n'avons observé nulle part : c'est que chaque fois qu'ils ont quelque chose à demander à leurs idoles, afin qu'elles soient propices à leurs prières, ils prennent de jeunes garçons et de jeunes filles' des hommes et des femmes aussi, dont ils ouvrent la poitrine, dont ils arrachent le cœur et les entrailles qu'ils brûlent devant leurs faux dieux, leur en offrant la fumée en sacrifice. Quelques-uns de nous ont été témoins de ces sacrifices et ceux qui les ont vus disent que c'est la chose la plus terrible et la plus épouvantable qui se puisse imaginer.
Document 3
Bernardino de Sahagún, Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne (1558-1577)
Missionnaire franciscain, Bernardino de Sahagún recueille à partir de 1529 les témoignages et les récits des cultures aztèques. Dans ce passage, les messagers de l'empereur aztèque Moctezuma rentrent à Tenochtitlan après avoir rencontré pour la première fois Hernán Cortés.
De retour, les messagers firent à Moctezuma le rapport de tout ce qu'ils avaient vu et entendu. (...) Il fut surpris de la manière de manger des étrangers, de l'événement de l'artillerie s'accompagnant de coups de tonnerre à rompre les oreilles, de l'odeur de la poudre qu'on dirait infernale, du feu que les canons vomissent de leur bouche et du choc du boulet qui brise un arbre en le frappant. Il tomba en admiration à propos des armes très résistantes dont on lui rapporta qu'ils faisaient usage, soit pour attaquer, soit pour se défendre (...). Il n'admira pas moins les rapports qu'on lui fit au sujet des chevaux, leur taille élevée, la façon dont montaient sur eux les Espagnols tellement couverts de leurs armures qu'on ne leur voyait plus que le visage. Il fut surpris en entendant dire qu'ils avaient la figure blanche, les yeux gris, les cheveux roux, la barbe longue et que quelques hommes se voyaient parmi eux avec le visage noir et les cheveux noirs et crépus. (...) Ayant écouté ces choses, Moctezuma s'en émerveilla ; il fut pris de frayeur, perdit tout courage et ressentit de grandes angoisses.
Missionnaire franciscain, Bernardino de Sahagún recueille à partir de 1529 les témoignages et les récits des cultures aztèques. Dans ce passage, les messagers de l'empereur aztèque Moctezuma rentrent à Tenochtitlan après avoir rencontré pour la première fois Hernán Cortés.
De retour, les messagers firent à Moctezuma le rapport de tout ce qu'ils avaient vu et entendu. (...) Il fut surpris de la manière de manger des étrangers, de l'événement de l'artillerie s'accompagnant de coups de tonnerre à rompre les oreilles, de l'odeur de la poudre qu'on dirait infernale, du feu que les canons vomissent de leur bouche et du choc du boulet qui brise un arbre en le frappant. Il tomba en admiration à propos des armes très résistantes dont on lui rapporta qu'ils faisaient usage, soit pour attaquer, soit pour se défendre (...). Il n'admira pas moins les rapports qu'on lui fit au sujet des chevaux, leur taille élevée, la façon dont montaient sur eux les Espagnols tellement couverts de leurs armures qu'on ne leur voyait plus que le visage. Il fut surpris en entendant dire qu'ils avaient la figure blanche, les yeux gris, les cheveux roux, la barbe longue et que quelques hommes se voyaient parmi eux avec le visage noir et les cheveux noirs et crépus. (...) Ayant écouté ces choses, Moctezuma s'en émerveilla ; il fut pris de frayeur, perdit tout courage et ressentit de grandes angoisses.
Document 4
(...) Hernan Cortés (1485-1547) conquiert le Mexique. Les différents moments de l'entreprise menée à partir de Cuba présentent d'étonnantes ressemblances avec celle des Portugais en Chine : la pénétration progressive du territoire, une entrevue avec l'empereur qui reçoit les Espagnols dans sa capitale, Tenochtitlan, et s'amuse à un jeu de boules et de palets avec eux, et, quelques mois plus tard, en juin 1520, la défaite des conquérants, obligés de quitter la ville lors de la désastreuse "noche triste" (...). Le conquérant a su se faire diplomate et nouer les alliances qui le sauveront. Avec les Indiens de Tlaxcala, demeurés fidèles, il revient à Tenochtitlan, prise en août 1522, y installe son autorité et entreprend la colonisation d'une Nouvelle Espagne (...). Les sociétés méso-américaines (1) font une place à l'étranger, même si, closes sur elles-mêmes, elles ne le connaissent pas. Les Espagnols occuperont avec habileté et cynisme le statut de dieu ou démon, ou les deux à la fois, que leur donnent les mythes mexicains du retour
http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/01/19/l-aigle-et-le-dragon-demesure-europeenne-et-mondialisation-au-xvie-siecle-de-serge-gruzinski_1631761_3260.html#Rz7gAk7DUvEHuCjE.99
(1) Amérique centrale
http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/01/19/l-aigle-et-le-dragon-demesure-europeenne-et-mondialisation-au-xvie-siecle-de-serge-gruzinski_1631761_3260.html#Rz7gAk7DUvEHuCjE.99
(1) Amérique centrale
2- LA RENCONTRE ENTRE LES PORTUGAIS ET LES CHINOIS
Document 1
Tomé Pires, Suma Oriental (vers 1515). Tomé Pires est portugais.
Le roi de Chine est un païen qui dirige un grand territoire et une population nombreuse. Les Chinois sont blancs, aussi blancs que nous. [...] Tous les Chinois mangent du porc, du bœuf et tous les autres animaux. Ils boivent une bonne quantité de toutes sortes de breuvages. Ils apprécient grandement notre vin. Ils deviennent rapidement ivres. [...] Ils mangent avec deux baguettes, un bol de céramique ou de porcelaine dans la main gauche, près de la bouche, pour aspirer les aliments poussés par les baguettes. C’est la manière chinoise de manger. (...)
Quand [les] ambassadeurs se rendent chez le roi, ils ne voient que l’ombre vague de son corps derrière un rideau. [...] Des frontières de la Cochin Chine au vaste littoral chinois, on trouve plusieurs forteresses [...]. Parlons uniquement de Canton, qui est la plus grande de toutes et le cœur commercial de ces contrées.
Le roi de Chine est un païen qui dirige un grand territoire et une population nombreuse. Les Chinois sont blancs, aussi blancs que nous. [...] Tous les Chinois mangent du porc, du bœuf et tous les autres animaux. Ils boivent une bonne quantité de toutes sortes de breuvages. Ils apprécient grandement notre vin. Ils deviennent rapidement ivres. [...] Ils mangent avec deux baguettes, un bol de céramique ou de porcelaine dans la main gauche, près de la bouche, pour aspirer les aliments poussés par les baguettes. C’est la manière chinoise de manger. (...)
Quand [les] ambassadeurs se rendent chez le roi, ils ne voient que l’ombre vague de son corps derrière un rideau. [...] Des frontières de la Cochin Chine au vaste littoral chinois, on trouve plusieurs forteresses [...]. Parlons uniquement de Canton, qui est la plus grande de toutes et le cœur commercial de ces contrées.
Document 2
Lettre écrite de Canton par Cristovão Vieira (1524)
Lorsque Fernão Peres arriva au port de la Chine, il ordonna aux interprètes de rédiger des lettres. Comme il était capitaine général et qu'il avait un ambassadeur pour le roi de Chine, les interprètes les écrivirent suivant la coutume du pays (...) En la ville de Pékin, la lettre de notre roi fut ouverte dans le palais du roi de Chine. [...] Celui-ci refusa que nous allions dans son palais lui faire notre révérence. [...] Les Malais disaient que ce n'était pas un véritable ambassadeur du roi du Portugal qui était en pays en Chine, que c'était une ruse pour les tromper, que nous étions venus voir le pays pour y revenir bientôt poser une pierre et y construire un fort, après quoi nous considérerions le pays comme nôtre, comme nous l'avions fait à Malacca et en d'autres pays, car nous étions des voleurs.
Lorsque Fernão Peres arriva au port de la Chine, il ordonna aux interprètes de rédiger des lettres. Comme il était capitaine général et qu'il avait un ambassadeur pour le roi de Chine, les interprètes les écrivirent suivant la coutume du pays (...) En la ville de Pékin, la lettre de notre roi fut ouverte dans le palais du roi de Chine. [...] Celui-ci refusa que nous allions dans son palais lui faire notre révérence. [...] Les Malais disaient que ce n'était pas un véritable ambassadeur du roi du Portugal qui était en pays en Chine, que c'était une ruse pour les tromper, que nous étions venus voir le pays pour y revenir bientôt poser une pierre et y construire un fort, après quoi nous considérerions le pays comme nôtre, comme nous l'avions fait à Malacca et en d'autres pays, car nous étions des voleurs.
Document 3
Histoire des Ming (ou Ming-che) (1635-1739)
Les Fo-lang-ki [nom désignant les Portugais] sont proches de Man-la-kia [Malacca]. Sous Zhengde, ils s’installèrent sur le territoire de Malacca et en chassèrent le roi. La treizième année, ils envoyèrent un ambassadeur kia-pi-tan-mo [du portugais capitão], avec d’autres, pour offrir en tribut des produits de leur pays et demander un sceau d’investiture. On connut alors leur nom pour la première fois […]. Ces gens traînèrent longtemps sans s’en aller, pillant les voyageurs et allant même jusqu’à s’emparer de petits enfants pour les manger.
Les Fo-lang-ki [nom désignant les Portugais] sont proches de Man-la-kia [Malacca]. Sous Zhengde, ils s’installèrent sur le territoire de Malacca et en chassèrent le roi. La treizième année, ils envoyèrent un ambassadeur kia-pi-tan-mo [du portugais capitão], avec d’autres, pour offrir en tribut des produits de leur pays et demander un sceau d’investiture. On connut alors leur nom pour la première fois […]. Ces gens traînèrent longtemps sans s’en aller, pillant les voyageurs et allant même jusqu’à s’emparer de petits enfants pour les manger.
Document 4
En juin 1517, huit navires portugais quittent Malacca pour la Chine. Le roi Manuel a décidé d'envoyer une ambassade à l'empereur Zhengde. Elle est conduite par Tomé Pires (...). L'expédition, qui aborde les côtes chinoises en août 1517, est plus qu'une ambassade. Elle est inspirée par un projet d'installation, voire de domination (au moins partielle) de la Chine qui devra assurer au roi du Portugal le monopole du très profitable commerce des épices (...). Un véritable plan de conquête a été élaboré, qui s'appuie sur l'usage des armes à feu, l'emploi de la terreur et la probable révolte du peuple paysan contre les maîtres qui le maltraitent (...). Après l'interdiction faite aux navires étrangers d'accoster en Chine et les revers de deux flottilles portugaises, mises en déroute par la marine chinoise, les prisonniers de Canton sont jugés, condamnés et exécutés en 1523 (...). Pour les Chinois, les Portugais sont des "barbares" sans civilité ni culture, semblables à ces autres barbares qui menacent les frontières du Nord. Il faut les rejeter et leur fermer l'empire.
http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/01/19/l-aigle-et-le-dragon-demesure-europeenne-et-mondialisation-au-xvie-siecle-de-serge-gruzinski_1631761_3260.html#Rz7gAk7DUvEHuCjE.99
http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/01/19/l-aigle-et-le-dragon-demesure-europeenne-et-mondialisation-au-xvie-siecle-de-serge-gruzinski_1631761_3260.html#Rz7gAk7DUvEHuCjE.99